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- Le prénom – le monde disjoncté du mental 5 – 6 – 7
Vu et analysé par Rose et Gilles Gandy.
L’un des meilleurs film français de l’année 2012, co-écrit et co-réalisé par Alexandre de La Patelière et Matthieu Delaporte avec :
– Patrick Bruel (Vincent, un 7 dans la quarantaine qui va être papa)),
– Valérie Benguigui (Élisabeth, une 6 enseignante, syndicaliste, sœur de Patrick),
– Charles Berling (Pierre, un 5 enseignant, mari d’Élisabeth et beau-frère de Vincent),
– Guillaume de Tondélec (Claude, un 4 ami d’enfance de la famille),
– Judith El Zein (Anna, une 1 qui débarque en tant que mère du futur bébé, et récente compagne de Vincent),
– Françoise Fabian (Françoise, la mère de Patrick et Élisabeth, veuve, omniprésente dans le film sans être là).

Histoire : Vincent, la quarantaine triomphante, va être père pour la première fois. Invité à dîner chez Élisabeth et Pierre, sa sœur et son beau-frère, il y retrouve Claude, un ami d’enfance.
En attendant l’arrivée d’Anna, sa jeune épouse éternellement en retard, on le presse de questions sur sa future paternité dans la bonne humeur générale… Mais quand on demande à Vincent s’il a déjà choisi un prénom pour l’enfant à naître, sa réponse plonge la famille dans le chaos.
Ce film remarquable met en scène des amis d’enfance, dont la vie tourne autour d’une famille qui se suit pendant 30 ans, de l’enfance à aujourd’hui.
Le frère Vincent (joué par un magnifique Patrick Bruel) incarne l’ennéatype 7, le petit dernier, chouchou de maman, à qui tout réussit, les affaires comme les amours.
La sœur Élisabeth (jouée par la remarquable Valérie Benguigui ) représente la loyaliste de l’Ennéagramme, le point 6. Dévouée pour son environnement (parents, frère, mari, enfants, élèves de son école, etc.), elle s’oublie avec colère dans cette « non existence ». Elle est mariée avec un 5 intellectuel de gauche, Pierre (joué par l’excellent Charles Berling), prof de fac, qui tente d’exister par son savoir et son positionnement politique, évidemment moqué par le 7 qui s’amuse à tout remettre en cause.
Pourquoi est-il important de voir ce film ? Il met en scène le monde intellectuel disjoncté du mental 5 – 6 – 7
L’histoire tourne autour de ces 3 personnages centraux, que sont le 5, le 6 et le 7, qui représentent le royaume du mental de l’Ennéagramme, celui de la peur, mais aussi celui de l’immaturité ! C’est ce dernier point que ne manquera pas de leur renvoyer l’ennéatype 4 à un moment du film, incarné par Claude qui observe tout cela avec un œil différent.
Le film montre donc le « jeu » de ces trois personnages de la figure, jeu issu de la construction de l’enfance, mais qui aboutit à la rencontre de ce que chacun veut éviter, sa peur fondamentale. Du coup, le film qui commence comme une comédie tourne vite au drame !
– Vincent, le 7, rencontre la pénurie qu’il a lui-même provoquée en voulant l’éviter à tout prix ;
– Élisabeth, la 6, se fera « trahir » par celui qu’elle a investi de l’autorité suprême (Claude qui est devenu son confident), celui qui est sensé tout entendre y compris ses secrets les plus intimes, mais qui devrait lui rendre la pareille ;
– Pierre, le 5, rencontrera le ridicule, malgré la protection de son statut d’intellectuel.
Comme tout cela se passe dans un cercle intime, on peut supposer qu’il s’agit de sous-types « one to one » qui sont décrits…
Voyons comment chaque personnage rencontre sa peur fondamentale.
Vincent, le 7 blagueur jusqu’au-boutiste
Patrick Bruel joue magnifiquement ce rôle (qui lui colle à la peau!). Enfance facile, chouchouté, beau gosse, il s’amuse de tout, semble réussir toute sa vie, et tombe même amoureux alors que sa sœur a déjà deux enfants depuis un bon moment (l’aînée a 12 ans). Comme beaucoup de 7, il devient responsable assez tard, et le voilà bientôt papa. Mais il faut continuer à jouer comme un enfant, même si c’est sur le dos du bébé pas encore là !

Et le voilà parti à monter une « blague » sur le futur prénom de son enfant, blague pour provoquer le mental rationnel de Pierre. On retrouve le type d’humour machiavélique des 7 aile 8, et 8 aile 7. Cela monte un scénario, et Patrick Bruel le joue à la perfection : tout le monde tombe dans le panneau.
Mais il est le seul à s’en amuser. Les autres foncent tête baissée dans le piège tendu. Et surtout, quand sa femme Anna arrive, qui se trouve embarquée malgré elle dans ce jeu (elle pourrait représenter le point 1 psychorigide), tout va basculer !
Le 7 risque de tout perdre, même sa relation amoureuse, son fils à venir, ses relations d’enfance ; etc.
Il vit la pénurie, ne trouvant plus qu’une phrase à dire : « Mais c’était une blague ! »
Et non, justement, la vie n’est pas un jeu, et le 7 doit apprendre à grandir et à « travailler sur soi »…
Cerise sur le gâteau, son ami Claude (le 4) lui enlève ce sur quoi il comptait depuis sa naissance : sa mère. C’est fini, il ne pourra même plus revenir téter le biberon ! Tout s’écroule, et pour le coup, il va au point 1 et devient violent, vindicatif, agressif, risquant de casser encore plus les derniers liens qui le relient aux autres.
Pierre, le 5 hyper-tendu

En bon 5, il est apparemment en sécurité et sûr de lui, tant qu’il est avec des inférieurs (ses étudiants par exemple, qu’il peut titiller par son esprit « d’homme de gauche bobo parisien dans l’air du temps »). Mais cela ne marche pas avec son beau-frère 7 qui possède une gymnastique d’esprit capable de renverser toutes les situations, transformant le prénom de Adolphe en Adolf par exemple, ce qui va clouer définitivement le bec du 5.
Le 5 en devient pathétique, ne sachant comment vaincre cet ennemi insaisissable : l’esprit. Comment argumenter ? Comment savoir ? Comment « avoir raison » ? Le cerveau rationnel pète un câble face aux pirouettes du cerveau intuitif !
Du coup, Pierre tombe dans ce qu’il veut éviter, et il rencontre le ridicule. Il devient irrationnel, s’enlisant même avec sa femme, ne sachant plus quoi faire. Son monde sécurisant s’écroule.
Les scènes s’enchaînent avec des moments de tensions mentales insupportables, montrant comment ces ennéatypes, à partir de quelque chose de virtuel (le futur prénom de l’enfant), créent des mondes émotionnels terribles qui menacent leur équilibre psychique.
Cette limite va être atteinte par le point 6, celui qui est au centre de ce méli-mélo.
Élisabeth, la 6 loyale jusqu’à disjoncter
Élisabeth, la sœur de Vincent, superbement interprétée par Valérie Benguigui, illustre la paralysie du mental enfant du point 6. Elle est affairée à tout, s’active dans la désintégration du 6 en 3. Mais son mental ne peut plus gérer les informations qui arrivent, malgré ses essais « dictatoriaux » : « Vous attendez que je revienne pour continuer la conversation ! ». Le mental veut tout contrôler, activé par des peurs de rater quelque chose d’important. Mais on en peut être au four et au moulin ! On voit bien la construction infantile du 6 qui organise son monde et « le » monde autour d’elle, pour éviter de retrouver l’insécurité de la fille de 6 ans qu’elle a été. Mais le monde a changé. L’appel de son corps (aller vers l’évolution en 9) n’est pas entendu : elle a pris du poids après ses grossesses, son image en prend un coup, et ses besoins personnels passeront toujours après le reste !

Du coup, elle finit par disjoncter, lâchant à tout le monde « ses 4 vérités » en face, et partant s’anesthésier dans le point 9 avec un somnifère. Elle passe ainsi du point 3 au point 9, ce qui n’est que temporaire pour le 6, mais qui peut arriver dans des situations ingérables par le mental ! Mais l’on voit bien ici l’intérêt de ces flèches de désintégration : la tension mentale cesse, les choses sont dites (l’expression de soi est l’un des problèmes du 6), et la personne peut repartir d’un bon pied. La question est « jusqu’à quand ? ».
Heureusement (!), la vie lui offrira le cadeau de traverser sa peur : elle va être trahie par son ami d’enfance, Claude, qui lui cache sa relation intime avec … sa mère Françoise. Et la surprise est de taille, ce n’est pas cette relation quasi incestuelle qui la choque, mais le fait que son ami confident ne lui ait rien dit !
Les autres personnages
On retiendra l’ami d’enfance, qui ressemble à un 4 homosexuel, joueur de trombone dans un orchestre, célibataire, marginal, et surtout, confident d’Élisabeth. Comme beaucoup d’hommes 4, les femmes sont proches de lui, sentant sa sensibilité qui ne les met pas en danger d’être « draguées ». Vincent dira « Mais qu’est-ce qu’elles lui trouvent ? »
On croit moins au personnage 4 quand Claude pique sa colère (cela ressemble trop aux colères des autres personnages, et aurait mérité plus d’hystérie), mais en revanche, la description de sa relation amoureuse avec la mère Françoise, 26 ans de plus que lui, est de toute beauté, allant jusqu’à faire disjoncter le 7 qui menait jusque-là toute la danse !
La femme de Vincent, Anna, pourrait être un type 1, car elle est dans une colère froide de samouraï (d’ailleurs, elle gère un groupe d’asiatique dans son job). On sent que le mental ne la fait pas rire, et que pour elle, c’est du sérieux ! Une bonne instinctive ?
Quand à Françoise, la mère, elle n’apparaît pas beaucoup dans le film, bien qu’elle soit dans les discussions, au téléphone, et même dans la recette de cuisine ! On pourrait imaginer une femme 2 qui a beaucoup géré tout ce petit monde, et qui évolue au soir de sa vie dans sa liberté, car elle se détache vraiment du service aux autres qu’elle semble avoir joué toute sa vie.